Étude de cas
Une technologie qui change la donne ouvre la voie à des diagnostics de cancer plus rapides et plus précis
novembre 7, 2022
novembre 7, 2022
Derrière chaque diagnostic de cancer se cache un rapport de pathologie, une évaluation experte des cellules ou des tissus qui permet de déterminer le type et l’étendue du cancer et le meilleur plan de traitement.
La plupart des hôpitaux produisant des milliers de lames d’anatomopathologie chaque mois, ces lames et ces rapports représentent un immense corpus de connaissances qui pourrait conduire à des diagnostics plus rapides et plus précis pour les patients. Une entreprise ontarienne, Huron Digital Pathology, est sur le point de déverrouiller ce savoir grâce au premier moteur commercial de recherche d’images pour la pathologie.
Le logiciel de la société (Lagotto™) indexe les archives de lames de biopsie numérisées, représentant chacune comme une série de codes-barres distincts qui saisissent les caractéristiques clés du prélèvement de cellule ou de tissu. Un pathologiste qui examine une nouvelle lame peut effectuer une recherche, et un algorithme complexe, une forme d’intelligence artificielle, compare rapidement les codes-barres pour trouver des images similaires et les rapports de pathologie et diagnostics associés.
La possibilité d’accéder immédiatement à l’expertise de collègues lors de l’analyse d’images est importante : les pathologistes, en particulier ceux qui ont une expertise dans une sous-spécialité, sont peu nombreux et les pathologistes plus âgés partent à la retraite. De plus, les cas de cancer augmentent avec le vieillissement de la population canadienne. Consulter un collègue pour évaluer un cas difficile peut retarder le diagnostic de plusieurs semaines. L’examen de plusieurs cas similaires aide également les pathologistes à améliorer la précision de leurs propres diagnostics.
La clé du succès de cette technologie réside dans sa capacité à effectuer rapidement des recherches dans une vaste base de données. En pathologie, les images numérisées sont généralement très volumineuses – une image peut représenter un gigaoctet de données – ce qui rend difficile une recherche rapide des images. En utilisant des codes-barres, le logiciel peut convertir ces images en seulement 10 à 15 kilo-octets de données. Ainsi, Lagotto™ peut rechercher jusqu’à 100 000 images par seconde.
Sans surprise, la valeur de cette technologie de recherche dépend entièrement de sa précision à trouver des images similaires. En 2020, la société avait validé ses algorithmes de recherche à l’aide d’un ensemble de données accessibles au public comprenant 30 000 images provenant du National Health Institute/National Cancer Institute des États-Unis. L’étape suivante consistait à utiliser la technologie dans un milieu clinique. Le réseau EAHN™ lui en a fourni l’occasion.
Grâce au réseau EAHN™, les entreprises proposant des technologies de la santé innovantes sont mises en relation avec des organismes de santé pour développer, mettre à l’essai, perfectionner, adopter, promouvoir et diffuser de nouvelles technologies. Pour sa part, Huron Digital Pathology a été jumelée avec Hamilton Health Sciences. En collaboration avec le service informatique de l’hôpital et un pathologiste principal, la société a installé un scanneur de haute qualité et a numérisé et indexé 1 000 lames d’anatomopathologie. Le moteur de recherche a ensuite été utilisé pour effectuer des recherches et plusieurs hématopathologistes (spécialistes du sang et de la moelle osseuse) ont donné leur avis sur la précision des résultats.
Les résultats n’étaient pas ceux escomptés, et l’équipe a rapidement compris la raison. L’algorithme de recherche prend en charge de grands ensembles de données de 10 000 images ou plus, les 1 000 images numérisées pour le projet étaient donc insuffisantes pour produire des résultats précis. Cet apprentissage a été précieux, et Huron Digital Pathology modifie ses algorithmes pour obtenir une plus grande précision avec moins d’images. Le projet a également permis à la société de réfléchir à la façon de déployer cette technologie à une échelle beaucoup plus grande.
Pour Huron Digital Pathology, cette expérience démontre la valeur du programme du réseau EAHN™. La mise au point et le perfectionnement de technologies innovantes dépendent de la collaboration entre des partenaires ouverts qui participent activement au processus de résolution des problèmes. Hamilton Health Sciences était ce genre de partenaire.
L’expérience a également été positive pour l’hôpital. Le réseau EAHN™ lui a donné la possibilité d’accéder à des technologies très prometteuses mises au point par des entreprises préapprouvées, sans avoir à passer par un processus d’approvisionnement traditionnel. Assurant la gestion de contrat et de projet, le réseau EAHN™ prenait en charge les questions de confidentialité, de sécurité, etc. qui demandent habituellement beaucoup de temps au personnel. Et le financement apporté par le réseau EAHN™ a supprimé toute barrière financière qui aurait pu dissuader l’hôpital de se lancer dans ce type de projet.
La pathologie numérique est un secteur assez jeune, et le passage du microscope à l’analyse de lames numérisées sur un écran d’ordinateur prendra un certain temps. La radiologie a amorcé le virage numérique dans les années 1980 et il a fallu une décennie avant que de nombreux hôpitaux ne mettent en place un flux de travail entièrement numérique. La pathologie a ses propres défis. Un diagnostic de cancer peut exiger l’analyse de 10 à 200 lames, et certains hôpitaux auraient à numériser jusqu’à 500 000 lames par an.
Actuellement, la pathologie numérique est plus répandue aux États-Unis et dans certains pays d’Europe. Au Canada, le Québec évolue en ce sens et Huron Digital Pathology s’attend à ce que les grands hôpitaux des autres provinces lui emboîtent le pas. Les gains d’efficacité d’un flux numérique rendent le changement inévitable et la plateforme Lagotto™ et d’autres applications d’IA mettent en évidence les possibilités qu’offre la numérisation. La société estime que le marché de l’imagerie diagnostique représente plus de 10 milliards de dollars.
Pour l’instant, Huron Digital Pathology va continuer à valider et à perfectionner ses algorithmes pour en améliorer la précision, notamment pour le traitement d’ensembles de données plus vastes. Un contrat avec le Joint Pathology Centre aux États-Unis l’aidera dans cette démarche. Huron Digital Pathology numérisera et indexera les 55 millions de lames du Centre, qui est le dépositaire des tissus pathologiques du département de la Défense et du département des Anciens combattants des États-Unis. Le Centre utilisera la technologie de recherche d’images de la société pour permettre le partage de données avec des chercheurs, des cliniciens et des éducateurs, leur donnant ainsi accès à 100 ans de connaissances médicales et scientifiques.